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Si tu sais, si tu peux...
Litanies pour Compostelle

Si tu sais que marcher n'est pas toujours facile

Si tu peux te passer des choses inutiles,

Si tu sais que souffrir est affaire banale

Si tu peux supporter sans crier au scandale,

Si tu sais de la pluie, te faire une compagne

Si tu peux patauger sans entamer ta hargne,

Si tu sais que le vent souffle pendant des heures

Si tu peux supporter son souffle et sa froideur, 

Si tu sais en montant qu'il te faudra descendre

Si tu peux à tes jambes donner du coeur au ventre,

Si tu sais égaré, retrouver ton chemin

Si tu peux dans le doute retrouver un refrain,

Si tu sais dans quel sens orienter tes pas

Si tu peux au soleil te passer d'un compas,

Si tu sais affronter le monts et les rivières,

Si tu peux accepter de buter dans les pierres,

Si tu sais du désert qu'il aura une fin, 

Si tu peux du talon frapper le sol sans fin,

Si tu sais de ton sac en devenir l'ami

Si tu peux le porter sans lui être soumis,

Si tu sais du soleil te protéger au mieux

Si tu peux en secret remercier les cieux,

Si tu sais mesurer les efforts chaque jour

Si tu peux t’arrêter quand tout le monde court,

Si tu sais te nourrir chaque jour sainement

Si tu peux te priver de ce qui est alléchant,

Si tu sais te soigner avant toute blessure

Si tu peux t'arrêter sans que le temps te dure,

Si tu sais que l’hygiène est garante du temps

Si tu peux à l'eau froide te laver bien souvent,

Si tu sais que tes pieds sont les plus importants

Si tu peux les soignant, y passer de longs temps,

Si tu sais que demain sera un autre jour

Si tu peux oublier tes amis, tes amours,

Si tu peux en silence te lever dans la nuit

Si tu sais cheminer lorsque la lune luit,

Si tu sais quelquefois admettre l'injustice

Si tu peux l'affronter sans que tu la subisses,

Si tu sais saluer chacun des pèlerins

Si tu peux épuisé, leur tendre encore "ola" main,

 

Si tu sais mesurer la valeur d'un sourire

Si tu peux le donner même dans les cas pires

 

Si tu sais voir le frère sur le bord de la route

Si tu peux un instant partager sa déroute,

 

Si tu sais arrêter tes yeux sur un calvaire 

Si tu peux déchiffrer un signe dans la pierre,

Si tu sais retrouver les mots d'une chanson

Si tu peux la chanter avec des compagnons,

Si tu ne comprends pas le pourquoi du chemin

Si tu peux renvoyer la question à demain,

Si tu peux savoir,

si tu sais pouvoir

Et même si tu ne peux savoir,

si tu ne sais pouvoir

Alors n'hésite plus, prends ton sac, ton bâton

Et pars sur le chemin que les étoiles font,

Tu connaîtras la peur, l'angoisse la fatigue

Mais tu n'admettras plus qu'à ta place l'on brigue

Ce nom de pèlerin

Porté comme un levain

Tu pourras tutoyer le ciel et les étoiles

Tous les jours au grand mât tu hisseras la voile

Poussé par l'aquilon ou quelque vent magique

Tu choisiras le cap de ces toutes antiques

Où longtemps avant toi des chevaliers hardis

En côtoyant des gueux, vers elles sont partis

Pour franchir un matin en terre gaélique

Le décor merveilleux réputé du Portique,

Dans le coffre doré où l'esprit de Saint-Jacques

Rayonnera pour toi comme un matin de Pâques

Tu aura l'impression à l'instant

D'être un de ces mendiants

Aux semelles de vent.

Paul DEBARD

été 1999

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